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Le vent se lève. Je vois la forme du vent dans l'eau.


Per Petterson, Pas facile de voler des chevaux, traduit du norvégien par Terje Sinding, paru en 2003.

Un livre aux extrêmes climatiques qui répond décidément à mon goût pour les retraites forestières, loin de toute civilisation.
Le héros est un homme âgé qui commence sa retraite dans un chalet pommé au bord d’un lac, avec un chien pour seule compagnie. C’est le début de l’hiver en Norvège et il doit prendre quelques précautions pour préparer la saison. Il glisse quelques éléments sur le parcours de sa vie mais il ne dira pas tout, à nous de reconstituer une existence. Il se remémore un été brûlant de 1948, quand il était au bord de la rivière avec son père. Cet été-là, il a appris plein de choses et est devenu brutalement adulte, découvrant son père comme un autre homme.

Quand on vit seul trop longtemps, la frontière entre les mondes intérieur et extérieur devient floue, et on finit par la franchir sans même s’en apercevoir. C’est ça qui m’attend ?

Ce livre est voyage dans la mémoire. L’adolescent découvre et l’homme âgé redécouvre les sensations de froid, de chaud, de douleur, les efforts physiques, la vie dans la forêt, l’eau de la rivière. C’est le sujet principal du livre ainsi que la façon dont, à tout âge, on se recrée un mode de vie salvateur. Je me suis sentie très proche du héros car il semble bien que nous aspirions à la même existence, faite d’habitudes, de silences, de lectures et de temps lents.

Il n’y avait que l’air frais contre ma peau et le parfum de résine et de bois et l’odeur de la terre, et un oiseau solitaire dont j’ignorais le nom. S’affairant dans les fourrés à quelques mètres de moi, il faisait bruire l’épais feuillage, et son incessant pépiement m’a paru étrangement désolé au cœur de la nuit. Mais je ne sais pas si ce sentiment de désolation tenait à la solitude de l’oiseau ou à la mienne.

Un livre vanté par l’amie Asphodèle, qui me l’a prêté. Elle le fait voyager (il faut s’inscrire chez elle). Merci beaucoup pour cette lecture ! Également, les avis de MissBouquinaix, de la fille aux étagères et d'Eeguab.


Doppler

Roman adultes
Doppler

Erlend Loe
Gaïa (Taille unique), 2006 - 202 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Andreas Doppler fait une chute de vélo dans la forêt. Il tombe et tout lui tombe dessus : sa vie jalonnée par la docilité, son père décédé qu'il a à peine connu, sa fille qui le taxe de cynisme, son fils gavé de culture enfantine débilitante, son pays si insupportablement sympathique. Il faut changer. Ni une ni deux, il rompt avec la civilisation et plante sa tente dans la forêt. Devenu chasseur-cueilleur, il tue pour survivre un élan femelle dont le petit ne le quitte plus d'une semelle. Qu'à cela ne tienne, mieux vaut un ruminant muet que des êtres humains assommants. Et Doppler de ressasser son couplet préféré : "Je n'aime pas les gens. Je n'aime pas ce qu'ils font. Je n'aime pas ce qu'ils sont. Je n'aime pas ce qu'ils disent." Mais peut-on vraiment vivre seul ? Et comment ? Un beau jour, sa femme déboule pour lui annoncer sa nouvelle grossesse, précisant que s'il n'est pas rentré au bercail d'ici à l'accouchement, elle le plaque — quelle tuile. Doppler est dans de beaux draps.
Situations cocasses, humour grinçant, Doppler est un bouquin savoureux... et allègrement décalé.

Bouquin dégoté par un total hasard sur les rayonnages de la bibliothèque. Je suis entrée dans le monde loufoque et déjanté de Erlend Loe.
Doppler, cadre moyen, fait une chute à vélo. Il a alors la révélation de ce qu'est réellement sa vie : une vie trop "appliquée". Déjà tout gosse, il était "appliqué", il a maintenant un boulot "appliqué", une vie de couple "appliquée", il élève ses gosses de façon "appliquée", il a une vie sociale "appliquée"... Bref, il est trop appliqué. Et puis il n'aime pas les gens. Il prend donc la décision ferme et sans appel de tout plaquer de cette vie qui ne lui correspond plus et d'aller planter sa tente en pleine forêt et de vivre en ermite. Il a, pour seule compagnie, un jeune élan dont il tué la mère. S'en suivent quelques rencontres cocasses avec différents personnages, tous plus loufoques les uns que les autres. Mais qu'il le veuille ou non, il ne peut pas échapper aussi facilement à sa vie de famille...

Un bouquin vraiment excellent, frais et décalé. On retrouve, là encore, une histoire "d'amitié" entre un homme et un animal, exactement comme dans Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen. Preuve, là encore, que la culture nordique est largement différente de la notre dès qu'il s'agit de nature...

Il me faut cependant apporter un gros bémol à mon enthousiasme pour ce livre : cette édition (chez Gaïa, donc) est pourrie à souhait. Le texte est bourré de coquilles (je préfère penser qu'il s'agit de coquilles et non de réelles fautes d'accord...). Il m'est arrivé d'en repérer quatre ou cinq par page. J'espère que l'édition de 10/18 a corrigé tout ça.
Tant qu'on est à évoquer les petits défauts de Doppler, je dirais que la fin est un peu étrange. L'histoire part carrément en vrille, Doppler décide d'impliquer dans son aventure son jeune fils, tout en délaissant sa femme, sa fille aînée ainsi que le bébé qui vient de naître... d'où un petit sentiment de malaise... Mais rien de bien violent.

L'incipit :
Mon père est mort.
Et hier j'ai mis fin aux jours d'un élan.
Que dire...
C'était lui ou moi. J'étais affamé. Je commence franchement à être maigre. La nuit dernière, je suis descendu à une des fermes de Maridalen où j'ai piqué du foin. J'ai découpé une botte avec mon couteau et j'ai rempli mon sac à dos de foin. Après quoi je me suis accordé un petit roupillon, puis, au point du jour, j'ai gagné le fond du ravin, à l'est de mon campement, et j'ai dispersé en guise d'appât le foin en question à un endroit dont je m'étais longuement dit qu'il serait épatant pour tendre une embuscade. Je me suis ensuite allongé au bord du ravin où j'ai patienté de nombreuses heures. Je sais que des élans musardent dans les parages. Je les ai vus. Ils se sont même aventurés aux abords de ma tente. Ils sont là, à évoluer dans la vallée, à trottiner, à suivre leurs intuitions plus ou moins rationnelles. Toujours par monts et par vaux, les élans. Ils semblent croire qu'ailleurs l'herbe est plus verte. Et peut-être ont-ils raison. Quoi qu'il en soit, il y en a toujours un pour se radiner. Une pour être exact puisqu'il s'agissait d'une femme. Avec son petit qui traînassait derrière elle. Ça m'a déstabilisé un chouia, je dois dire, que le petit soit de la partie. J'aurais préféré qu'il ne le fût pas. Toujours est-il qu'il l'était. Par chance, le sens du vent était au poil. Le couteau dans la bouche, et pas le petit, hein, mais le grand, le grand couteau dans la bouche, donc, j'ai patienté. Les élans baguenaudaient dans ma direction. Broutant ici quelque bruyère, là diverses pousses de bouleau qui prospèrent au fond du ravin. Etpuis l'animal a fini par se poster à l'endroit voulu. Pile en-dessous. Maousse, la bestiole. Les élans sont grands. On l'oublie facilement, combien ils sont grands. Ni une ni deux, je lui ai sauté sur le dos. Il ne faudrait pas croire, mas j'avais bien évidemment répété le geste dans ma tête des douzaines et des douzaines de fois. J'avais prévu qu'il n'apprécierait pas outre mesure et qu'il prendrait ses jambes à son cou. Ce qui s'est d'ailleurs avéré. Or avant même qu'il n'ait pu partir au galop, je lui avais déjà planté mon couteau dans la tête. D'un coup d'un seul, prodigieux, le grand couteau avait traversé son crâne d'élan, transpercé son cerveau d'élan, ceignant sa tête d'élan tel un galurin excentrique et riquiqui. Après un bond agile pour me déloger de ma monture, je me suis hissé au sommet d'un rocher colossal cependant que l'élan voyait sa vie défiler sous ses yeux : tous ces jours heureux avec de la nourriture à satiété, les journées d'été à paresser sous le soleil éblouissant, la bluette avec le mâle une fois l'automne venu et la solitude qui s'était ensuivie ; la naissance et la joie de transmettre ses gènes, mais aussi ces abrutissants mois d'hiver au début de l'année, la fébrilité, cet élément tourmenté dont l'animal songeait probablement, autant que je sache du moins, qu'en être affranchi serait un soulagement. Tout cela, l'élan femelle l'a visionné en l'espace de quelques secondes, avant de s'effondrer.

→ Un bouquin plein d'humour, d'auto-dérision, d'ironie, de cynisme et de sarcasmes... Pile poil ce que j'aime au plus haut point !


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Quatri�me de couverture C�est le lendemain de la grande f�te de l�hu�tre � Heim?, l��le principale du Doggerland. L�inspectrice Karen Eiken...