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Je suppose, Lucy Snowe, que l’orbe de votre vie ne sera jamais complet… que vous devrez toujours vous en tenir à un croissant. Tant pis !


Charlotte Brontë, Villette, paru en 1853, traduit de l’anglais par Gaston Baccara.

Il ne s’agit pas, loin de là, du roman le plus connu de Charlotte Brontë, mais j’ai pris grand plaisir à cette lecture.
La narratrice, Lucy Snowe, est orpheline, partie à la recherche de sa vie. Elle parvient dans un territoire que l’on peut identifier à la Belgique et devient institutrice dans un pensionnat de jeunes filles.

Le livre est d’un rythme lent et certains ont pu s’y ennuyer. Pour ma part, ayant fait le trop-plein de soucis en ce moment, j’ai apprécié l’atmosphère du livre. L’héroïne est à la fois courageuse face à l’adversité, capable de calme endurance, mais pleine de passions et de détresse face à sa solitude, dont elle décrit très bien les affres. D’autres traits de son caractère m’ont plus agacée mais je me suis sentie plutôt très proche d’elle. Ce très beau portrait d’une jeune femme coupée de tout, sans lien, sans amis, dans un monde où rien n’est pour les femmes, constitue le cœur du roman. Sa détresse est très puissamment exprimée.

Vous étiez habituée à passer dans la vie comme une ombre sans aucun éclat, aussi qu’elle sensation étrange que de voir soudain quelqu’un se cacher les yeux de la main et, maussade, s’en faire un écran contre le rayon taquin que vous lui lancez et qui l’importune.

1e page de la 1e édition
De façon générale, les portraits de personnage sont très réussis, ainsi que leurs interactions. Ils ont des caractères mêlés, impossible de se faire une idée trop simple d’eux. La directrice de l’école est tantôt une femme remarquable, tantôt un tyran. Telle jeune fille frivole reste sympathique, grâce à sa force de vie. Une autre jeune fille tout à fait agréable peut taper sur les nerfs. Le lecteur se fait une certaine idée du médecin ou du professeur et puis finalement change d’avis. Il y a là une grande finesse psychologique.

La désillusion, cette horrible mégère, la saluait d’un hideux « Me voici ! » ; et son âme se révoltait à tant d’intimité.


Je suis plus critique sur la structure du texte, notamment en ce qui concerne l’articulation entre les chapitres sur l’enfance de l’héroïne et la suite, qui ne me semble pas très heureuse. De même, l’échappée londonienne est étrange, comme si toutes ces pérégrinations n’avaient pour but que d’enfermer Lucy Snowe dans un pensionnat. Brontë voulait absolument la présenter dans une grande solitude, sans famille, sans patrie, entre de hauts murs mais cela donne un rythme un peu étrange.
Mon bémol le plus fort concerne l’évocation de Villette. C’est un territoire qui est inspiré de la Belgique. Cette petite royauté a pour nom Labassecour. Choisir un lieu fictionnel, imprégné de culture française et catholique, est un choix que je comprends. Mais je ne vois pas l’intérêt de traiter avec tant de mépris ce qui est montré comme un royaume d’opérette. Et malheureusement, un des ressorts de l’intrigue, l’opposition entre protestants et catholiques, a beaucoup vieilli. Je sais que Brontë a mis beaucoup de son expérience personnelle, puisqu’elle a effectivement donné des cours dans un pensionnat de jeunes filles à Bruxelles, mais cela me semble moins réussi.
En ce qui concerne la religiosité, elle est nettement moins présente que chez Ann Brontë, même si la fin du texte lui laisse, à mon sens, trop de place. Ce ne sont vraiment pas les passages les plus réussis.

À plusieurs reprises, un climat de rêve hante le livre, et c’est sans doute lié à la présence d’un décor de carton pâte. Les nuits de pluie, l’évocation de la ville la nuit, l’apparition d’un spectre, le jardin de l’école, les fêtes de la petite monarchie, un climat très romantique baigne le livre. Le mystère entoure doucement plusieurs des personnages et leurs actes ce qui contribue à rendre la lecture très agréable.


Pour situer ce roman et son auteur dans la Brontë family : évidemment on ne trouve pas ici l’amour des landes et la passion dévorante des Hauts de Hurle-vent d’Emily, même s’il y a une grande attention aux paysages et aux climats et si Lucy est loin d’être de glace, elle connaît de grandes amplitudes sentimentales. Elle n’est pas si proche d’Agnès Grey d’Ann, moins résignée, moins solitaire et dotée d’une meilleure connaissance du monde.

J’éprouvais trop de plaisir à demeurer au milieu de cette nature déchaînée, dans cette nuit noire que le roulement du tonnerre emplissait de rumeurs – il chantait une ode assourdissante telle qu’aucun langage humain n’en exprima jamais ; le spectacle de ces nuages que sillonnaient et illuminaient des éclairs aveuglants de blancheur était trop magnifique.

L'avis du Chat du Cheshire. Participation au challenge victorien et au challenge des soeurs Brontë que je continue vaillamment. Des femmes écrivains.



Je suis de la vaisselle cassée ; je suis un tambour crevé ; ma vie entière est à l’eau.


Robert Louis Stevenson, Le Creux de la vague, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Naugrette, paru en 1894, écrit en collaboration avec Lloyd Osbourne.

Un très bon roman de Stevenson, sans doute un des meilleurs.

Au début de l’histoire, nous sommes à Papeete, dans un territoire de rêve, mais en compagnie de trois hommes réduits à la misère : Huish un homme un peu frustre et sans scrupule, Davis un ancien capitaine oscillant entre brave homme et gredin et Herrick, ancien étudiant déchu, à qui sa situation fait horreur. La situation n’est pas très brillante, mais bientôt s’offre une opportunité : un bateau à conduire à Sydney, une nouvelle traversée, un lagon inconnu et paradisiaque et un homme étrange et fascinant.

Il avait épousé le creux de la vague dans les affaires des hommes, et la vague l’avait emporté au loin ; il entendait déjà mugir le maelström qui devait l’envoyer par le fond. Et dans son âme harcelée et déshonorée il n’y avait aucune place pour lui-même.

C’est à la fois un roman d’aventures sous les tropiques particulièrement réussi et un roman d’introspection très fin. Pas de temps mort, les rapports de force entre personnages sont très vivants, des passions fortes sont mises en scène. Il y a la magie des perles rares et le sentiment d’être perdu au bout du monde, dans un monde sans foi ni loi. Herrick est le représentant de l’auteur dans ses angoisses et sa sensibilité, dépassé par la situation mais s’efforçant d’y faire face. Mais c’est surtout le décor qui fait la force du livre : Papeete en proie à la maladie et à la déliquescence, le lagon à la nature mystérieuse et inconnue, d’une beauté surréelle.


L’île tremblait devant eux comme un lieu incandescent ; à la surface du lagon des soleils de cuivre aveuglants, pas plus gros que des pièces de dix sous, dansaient en leur transperçant les prunelles ; il montait du sable et de la mer, et même du canot, une lumière d’une clarté cinglante ; et comme ils ne pouvaient scruter le lointain qu’en joignant les cils, l’excès de luminosité parut se muer en noirceur sinistre, comparable à celle d’un nuage avant l’orage.

La description de l’île est impressionnante, c’est un lieu de beauté absolue, de paix, d’harmonie céleste et l’enfer des hommes blancs. La brutalité de la beauté.



Faux pas de Maria Adolfsson (Doggerland 1)

Quatri�me de couverture C�est le lendemain de la grande f�te de l�hu�tre � Heim?, l��le principale du Doggerland. L�inspectrice Karen Eiken...