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Trouver un travail dans une biblioth�que anglaise : mode d'emploi

Voil�, �a fait maintenant un an (et une semaine) que j'ai commenc� � travailler dans une biblioth�que londonienne. Quand mon expatriation n'�tait encore qu'un projet, j'ai beaucoup t�tonn� : comment s'y prendre ? Quels papiers ou dipl�mes sont n�cessaires ? Quelles sont les d�marches indispensables ?

J'en avais d�j� parl� un peu l� (en fran�ais) et pas mal aussi sur mon blog en anglais alors que j'�tais encore en plein dans ma recherche d'emploi.

Cette fois-ci, je voudrais vous faire profiter de mon exp�rience et vous dire comment je m'y prendrais si c'�tait � refaire, si j'�tais de nouveau une biblioth�caire parisienne cherchant � devenir une biblioth�caire londonienne sur un coup de t�te.

Ceci n'est bien s�r valable qu'au niveau de ma petite exp�rience... Your mileage may vary.



Si c'�tait � refaire...



Je commencerais par faire un stage. Si vous en avez la possibilit�, �a me semble une �tape tout � fait int�ressante. D'une part, �a vous donne un peu d'exp�rience outre-manche. D'autre part, �a vous permet de commencer � vous constituer un r�seau. Et de d�cider avec plus de cartes en main si c'est vraiment la voie que vous souhaitez poursuivre.
Une autre possibilit� serait d'effectuer un �change inter-biblioth�ques. Inscrivez-vous sur le site du LibEx (c'est gratuit pour les non-britanniques) et regardez les profils de postes d'autres professionnels pour organiser un �change !

- Je m'efforcerais de trouver un emploi avant de partir. On ne met pas la charrue avant les boeufs. Et �tre sur place n'est pas forc�ment un avantage flagrant si en contrepartie on est au ch�mage... Le march� de l'emploi dans les biblioth�ques britanniques est sous pression, et il n'y a pas de garantie que vous trouviez un poste rapidement. Alors, faites comme moi, et menez votre recherche d'emploi � distance.

- Je ne r�pondrais qu'� des petites annonces bien choisies. Le site LISjobNet est une mine d'or. Et j'ai certainement �t� coupable de r�pondre � absolument tout, m'�puisant � remplir des dossiers de candidature pour des emplois pas du tout adapt�s � mon profil. Au final, bien s�r, je n'ai obtenu d'entretiens que pour les postes qui me correspondaient vraiment.

- Je ne passerais pas le TOEIC. Personne ne me l'a demand�. Si vous savez r�diger une lettre de motivation en anglais et que vous vous d�brouillez � l'oral lors de l'entretien, le recruteur (en tout cas, d'apr�s ce que j'ai vu dans le secteur des biblioth�ques universitaires) n'a pas besoin de plus de preuves que �a... � part se rassurer sur ses propres capacit�s, je ne voit pas l'int�r�t.

- Je passerais mon Chartership depuis mon boulot fran�ais. C'est vraiment un passeport magique qui vous ouvre les portes des emplois les plus qualifi�s (et donc int�ressants), en plus de montrer que vous �tes vraiment investi � fond dans votre projet d'expatriation. Pour plus d'informations, allez donc jeter un oeil � ce billet.

- Je m'inscrirais au Cilip le plus vite possible. Vous savez ? Cette association de biblioth�caires dont je vous ai d�j� parl� � plusieurs reprises. C'est lui qui organise le Chartership sus-mentionn�. Et c'est l� aussi une garantie de votre int�r�t vis-�-vis de la vie professionnelle biblioth�conomique anglaise, m�me si vous n'�tes pas encore "chartered". Donc, je m'y inscrirais sans plus tarder (ils ont un tarif sp�cial pour les membres "overseas", qui n'habitent pas en territoire britannique) et j'en profiterais pour lire tous les anciens num�ros de son journal, le Cilip Update (un peu l'�quivalent du BBF ou d'Archimag).

- J'infiltrerais le grand cercle des twittoth�caires grands-bretons. Comme en France, il y a plein de biblioth�caires britanniques sur Twitter. Comme point de d�part, prenez la liste mise en place par Phil Bradley (plus de 1500 comptes y sont rassembl�s !). Et entamez la discussion...

- Je ferais, au maximum de mes capacit�s financi�res, le d�placement pour les entretiens. Les entretiens par Skype, c'est bien pratique, mais �a vous donne un immense d�savantage vis-�-vis des candidats qui ont pu faire le d�placement. Ce n'est vraiment pas la m�me chose de parler avec quelqu'un par �cran interpos� et de la rencontrer en chair et en os. Alors, si vous le pouvez, constituez vous un budget "billet d'avion de derni�re minute" et allez rencontrer ceux qui deviendront peut-�tre vos futurs coll�gues.

- ... Je repartirais sans h�sitations. La preuve ? Je reste.
Mon contrat d'un an a �t� transform� en contrat permanent. J'ai renouvel� ma mise en disponibilit�. Et j'ai bien l'intention de rester en Grande-Bretagne encore un moment...

Qui vient me rejoindre ?


Un accent, des accents



Qui parmi vous pense pouvoir se d�brouiller en anglais au motif qu'elle peut regarder des s�ries am�ricaines sans les sous-titres ? J'avoue que j'ai longtemps fait partie de cette cat�gorie. Mais, si c'est un bon d�but, c'est loin d'�tre suffisant ! Surtout si ce ne sont pas les �tats-Unis que vous visez, mais le Royaume-Uni...

Car voil� ce qu'on ne nous a jamais dit en cours d'anglais : il n'y a pas un mais des dizaines d'accents possibles... C'est d'ailleurs l� un de mes plus grands plaisirs depuis que j'habite Londres : j'�coute les gens parler dans la rue, dans le m�tro, � la t�l�vision, et je me d�lecte de tous ces d�licieuses musiques. Dans une m�me conversation, il y a rarement deux personnes avec le m�me accent.
Car non seulement le Royaume-Uni est extr�mement riche en accents divers et vari�s, mais � Londres c'est encore accentu� par un melting-pot international ultra-r�ussi.

  • Cons�quence 1 : si vous venez � Londres, ne soyez pas embarrass�s par votre accent fran�ais. 1/ Tout le monde � l'habitude d'entendre des gens avec des accents diff�rents. 2/ L'accent fran�ais est unanimement reconnu comme �tant l'accent le plus sexy (oui, je sais, �a fait bizarre, quand on a appris � d�tester le magnifique "accent anglais" que produisent la plupart de nos compatriotes) et donc tout le monde vous pardonnera si vous transformez vos "the" en "ze".
  • Cons�quence 2 : c'est beaucoup beaucoup plus difficile de suivre une conversation dans un groupe britannique si le seul accent avec lequel vous �tes un temps soit peu familiaris�e est l'accent am�ricain. Mais ne vous inqui�tez pas pour �a, on va y rem�dier d�s � pr�sent.
[Disclaimer: Je n'ai rien d'une linguiste ; si vous trouvez des erreurs dans mon texte, signalez-les moi et je ferais les modifications!] 

Le RP


Parlons tout d'abord de l'accent dit "standard", le "RP" ou "Received Pronunciation". N'allez pas croire que, parce qu'il est standard, il est neutre - c'est loin d'�tre le cas.
On l'appelle aussi l'accent BBC parce que pendant longtemps les speakers et speakerines de la cha�ne parlaient uniquement avec cet accent-l�. Il est aussi appel� accent d'Oxford ou accent de la Reine... Dans les faits, il a une connotation tr�s anglaise (rappelez-vous, l'Angleterre, n'est qu'une partie du Royaume-Uni !), snob et chic. C'est l'accent de la famille royale, de David Cameron et de tous ceux qui ont �t� �duqu�s dans l'une des prestigieuses "public schools".
Du coup, c'est celui-l� que vous pourrez entendre dans tous les films en costumes (� vous - presque - toutes les versions d'Orgueil et Pr�jug�s !).
C'est aussi l'accent de Colin Firth dans Le Discours d'un Roi. Et c'est celui qu'ont les aristocrates dans Downtown Abbey (les domestiques ont quant � eux l'accent du Yorkshire).

Si on s'�loigne un peu de Buckingham, on tombe sur toute une foule d'accents r�gionaux qu'on ne d�taillera pas tous parce qu'ils sont vraiment trop nombreux. Allez plut�t jeter un oeil sur la page Wikipedia sur le sujet (en anglais bien s�r).
Mais je voulais n�anmoins vous donner quelques exemples associ�s � des r�f�rences de films ou de s�ries, histoire que vous puissiez r�pliquer la prochaine fois que vous vous fa�tes un marathon s�rie "Tu comprends, j'essaie de me familiariser avec l'accent du Gloucestershire, et y a du boulot !".

Exemples choisis


Au sein m�me de Londres, on trouve des variations d'accents, le plus c�l�bre d'entre eux �tant l'accent Cockney (qui tient presque plus de la langue r�gionale !). Pour tester celui-l�, il vous faut jeter un oeil � la s�rie East Enders. N'essayez pas de vous la faire en entier (ils en sont � pr�s de 5000 �pisodes !), quelques minutes suffiront...
Pour quelque chose de meilleure qualit�, allez plut�t voir Ripper Street dont on ne me dit que du bien (c'est la prochaine s�rie sur ma liste !).

Si vous voulez vous projeter vers le Nord de l'Angleterre, �coutez donc le neuvi�me Docteur (Christopher Eccleston, mon pr�f�r�) dans la premi�re saison du reboot de 2005 de Doctor Who.
Toujours dans le Nord, j'ai lu de bonnes critiques de la s�rie The Mill o� l'on peut apparemment entendre des accents de Manchester et de Liverpool (le "Scouse accent").
Pour faire le contraste entre accents du Nord (laborieux) et du Sud ("posh"), essayez la mini-s�rie de la BBC North and South, adapt�e du livre d'�lisabeth Gaskell.

Pour l'Ouest de l'Angleterre, allez donc regarder Hot Fuzz (extrait ici... bien � propos), o� vous pourrez entendre des dialectes du Somerset.

Pour l'accent �cossais, vous vous r�f�rerez bien s�r au douzi�me Docteur (Peter Capaldi, saison 8) et vous en profiterez pour regarder l'�pisode sp�cial de No�l le 25 d�cembre. Ou l'excellente s�rie polici�re Broadchurch (la version britannique, pas le remake am�ricain) o� David Tennant a pu garder son accent �cossais.
Si vous �tes plut�t film, je conseille La Part Des Anges de Ken Loach (attention, vous allez avoir besoin des sous-titres !).

Apparemment, on peut entendre pas mal d'accents du Pays de Galles dans Torchwood. Et c'est l'accent que prend Tom Hardy dans Locke (mais, ne l'ayant pas vu, je ne sais pas ce que �a vaut).

Si vous voulez pousser jusqu'� l'Irlande et en profiter pour en apprendre plus sur l'histoire du pays, jetez donc un oeil � The Wind That Shakes the Barley (Le vent se l�ve) de Ken Loach (encore) ou � Michael Collins.

Enfin, je ne peux m'emp�cher de vous recommander de regarder Top of the Lake, une mini-s�rie de Jane Campion, o� vous pourrez entendre de beaux accents N�o-Z�landais et Australiens. Mais je m'�gare.

Et sur les ondes...


Une fois que vous serez bien �chauff�s avec toutes ces s�ries et films, le test ultime (avant le passage � l'acte et le billet d'Eurostar), c'est la radio. Plus de support visuel pour vous raccrocher aux branches, plus de sous-titres pour vous m�cher le travail, c'est le grand bain !

Mais c'est aussi le d�but de votre d�couverte de BBC radio 4, de ses �missions humoristiques et de ses fictions radiophoniques, qui ont toujours le vent en poupe de ce c�t�-ci de la manche. Si vous voulez commencer "facile", prenez-en une adapt�e d'un roman que vous aurez lu au pr�alable. Par exemple, il existe une tr�s bonne version de Neverwhere de Neil Gaiman avec un casting de folie.

Sinon, ma pr�f�r�e c'est Cabin Pressure de John Finnemore, s�rie humoristique racontant les m�saventures de l'�quipe d'un petit charter de ligne. Les acteurs articulent extr�mement bien et vous trouverez les scripts en ligne si vous avez encore besoin d'un petit coup de pouce... D'ailleurs, je vous laisse, je m'en vais tous les r�-�couter pour �tre � jour avant le double �pisode final qui sera diffus� � No�l...


Si vous avez d'autres suggestions de films et de s�ries avec des accents int�ressants, partagez-les en commentaires ! Please! I need more stuff to watch! :)



[Edit : En bonus, si vous �tes fan de Games of Thrones (si vous ne l'�tes pas encore, essayez !), voici un super article qui d�cortique tous les accents qu'on entend dans la s�rie.]




Licence Creative CommonsLa photo ci-dessus est de thelearningcurvedotca. Elle est mise � disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d�Utilisation Commerciale - Partage dans les M�mes Conditions 2.0 G�n�rique.

Le Chartership ou la certification professionnelle � l�anglaise


Je vous ai d�j� parl� du Cilip (qui a gard� son nom, d�ailleurs, au final). Cette association de biblioth�caires britanniques a notamment pour responsabilit� de d�livrer aux biblioth�caires et professionnels de l�information diverses certifications permettant d�obtenir une certaine reconnaissance professionnelle.

Il y a trois niveaux disponibles (et que l�on peut passer les uns apr�s les autres, ou pas, en fonction de son parcours) : la � certification �, pour les assistants biblioth�caires (ou les magasiniers) ; le � chartership �, pour les biblioth�caires ; et le � fellowship � pour les personnes qui en France seraient probablement des conservateurs.

Le Chartership

Je suis en plein dans mon propre parcours en vue du Chartership, je vais donc vous raconter comment �a se passe. Le principe est globalement le m�me pour les deux autres niveaux.

Le Chartership est donc � destination des biblioth�caires, non pas au sens du grade fran�ais, mais au sens plus large de � professionnel des biblioth�ques �. La norme au Royaume-Uni est d�avoir un Master en biblioth�conomie / sciences de l'information, de se trouver un premier poste et de se mettre alors � pr�parer son Chartership. Cette certification est souvent requise sur les offres d�emploi et c�est souvent la cl� ouvrant la porte des postes les plus qualifi�s. Une fois qu�on l�a obtenu, on peut accoler � son nom les lettres � MCILIP � (un peu comme un m�decin anglo-saxon ajoute MD � son nom�).

Alors, comment �a marche ?

Il s�agit de prouver sa capacit� � appliquer son savoir et ses comp�tences sur son lieu de travail, de les d�velopper pour am�liorer ses comp�tences professionnelles en fonction des exigences de son poste et de d�velopper une r�flexion sur ses pratiques et son environnement professionnel.

Dans les faits (et selon les toutes nouvelles r�gles en vigueur), d�s qu�on est inscrit et qu�on s�est trouv� un mentor, on commence par remplir son PKSB. Le Professional Knowledge and Skills Base est une sorte d�immense tableau listant toutes les comp�tences et tous les savoirs que pourrait poss�der un biblioth�caire. L�id�e est de se noter soi-m�me sur l�ensemble de ces points (il faut �tre membre du Cilip ou d�bourser �25 pour obtenir le document si vous voulez tenter l'exp�rience). Bien s�r, personne ne peut avoir un score maximal dans toutes les cat�gories, c�est impossible. Non, on va plut�t chercher � analyser quelles sont les cat�gories les plus importantes pour le type de poste sur lequel on est en ce moment et s�en servir de guide pour la suite.

La deuxi�me grande �tape, va donc d��tre d�essayer de s�am�liorer sur ces points. �a peut durer autant de temps qu�on le souhaite et m�me �tre fait r�trospectivement. Tous les moyens sont bons : assister � des conf�rences, visiter d�autres biblioth�ques, lire de la litt�rature professionnelle en ligne ou hors ligne, participer � des ateliers, � des chats pro sur Twitter� Tout ce que nous faisons naturellement dans le cadre de la formation continue. Mais en plus de le faire, il faut en accumuler la preuve : collectionner les certificats de pr�sence, r�diger des comptes-rendus et des fiches de lecture. Et d�montrer comment tout �a se ressent effectivement sur votre travail (dans mon cas par exemple, je vais collecter des exemples de plans de s�ances de formation que j'ai con�us en appliquant des principes lus dans un bouquin sp�cialis�, ou essayer d'obtenir du feedback aupr�s de mes �tudiants).
Pour ne pas s'y perdre, on peut traiter �a comme une exp�rience in vivo et tenir un carnet de labo notant nos avanc�es au jour le jour...

Car la troisi�me �tape sera celle de la construction d�un portfolio. Celui-ci doit comprendre un CV, une fiche de poste, son PKSB initial et un PKSB final (votre score doit donc avoir augment� dans les domaines qui avaient �t� d�sign�s comme cruciaux pour votre poste), un texte r�flexif de 1000 mots et une collection organis�e des � preuves � de votre d�veloppement professionnel. Un jury examine tout �a et vous octroie le Chartership ou vous renvoie � vos brouillons�

Et moi, et moi, et moi...

Je suis en plein dans la phase deux� Et je dois avouer que �a me pla�t �norm�ment. �a me pousse � aller plus loin dans mes vell�it�s d�auto-formation et dans mes lectures professionnelles, �a me donne une excuse pour demander des formations � tout-va aupr�s de mon employeur et de me porter volontaire pour assister � toutes les r�unions possibles qui se rattachent de pr�s ou de loin � mon poste. C�est tr�s enrichissant. Et m�me si j�ai toujours fait cela � un certain degr�, c�est un sacr� coup de boost pour mes comp�tences professionnelles !

De plus, je trouve que le principe tombe vraiment sous le sens : pour �tre certifi� comme un v�ritable biblioth�caire, il faut prouver qu�on en a les comp�tences et que l�on cherche � s�am�liorer. C�est plus logique qu�une s�rie de concours abscons, non ?



Image emprunt�e au Chartership Handbook, Cilip

Pas de panique ! Sur une autre Terre, c’est déjà arrivé.


Terry Pratchett et Stephen Baxter, La longue terre, 2012, traduit de l’anglais par Mikael Cabon, paru en France chez L’Atalante, 2013.

Un livre prometteur mais décevant.
Le récit : un scientifique découvre un jour que la Terre est entourée par une multitude de Terres identiques, mais où l’homme est inconnu. Une infinité de planètes à explorer. Pour passer d’une Terre à l’autre il faut un appareil tirant son énergie d’une pomme de terre. Nous suivons le voyage d’exploration de Sally et Josué qui savent passer sans appareil, en compagnie de Lobsang, un ancien moine tibétain réincarné en super ordinateur, à bord d’un dirigeable nommé Mark Twain.

Vous l’avez compris, l’idée est fascinante. Toutes ces terres représentent des étapes antérieures ou avortées de l’évolution : y vivent des plantes et animaux disparus ou n’étant pas apparus sur notre bonne vieille terre, certaines planètes n’ont pas connu l’extinction des dinosaures, toutes ne connaissent pas le même stade de la dérive des continents, période glaciaire, forêt tropicale, océan recouvrant tout… Il y a plus de planètes que d’êtres humains et une foule de pionniers se lance dans une nouvelle vie. Il y a aussi des humanoïdes à différents stades de l’évolution. Ce roman est un hommage un peu fou à Darwin.
Mais… je me suis ennuyée. Il n’y a pas de vraie narration, on passe d’un monde à l’autre et puis voilà. Certes, on trouve des allusions à des musiques, à des films, des tas d’éléments font sourire mais cela reste assez plat.

-       Attendez, fit Josué, êtes-vous en train de nous dire que vous avez déjà vu un éléphant violet ?
-       Pas exactement. Dans une certaine Afrique, remarquez, il existe une espèce de pachyderme qui maîtrise à la perfection l’art du camouflage. Dans la Longue Terre, on finit toujours par trouver à peu près tout ce qu’on peut imaginer.

Je n’avais encore jamais eu affaire à un chat qui parle, mais, comme le disait mon père, les bonnes manières, ça ne mange pas de pain.


Jasper Fforde, Délivrez-moi !, traduit de l’anglais par Roxane Azimi, paru en 2002 (le titre anglais Lost in a Good Book est un autre jeu de mots intelligent).

Je viens de dévorer joyeusement le deuxième volume des aventures de Thursday Next, agent spécial d’une Angleterre de 1985 où rien n’est comme chez nous.

Mon père, sa passion était de tuer et d’empailler. À sa mort, il a tenu à être empaillé à son tour. C’est lui, là-bas.

Sauf que je ne compte pas dire grand-chose de l’intrigue… L’héroïne se contente de lutter un peu contre tout le monde, d’empêcher la terre de disparaître dans un immense coulis de fraise, d’essayer de délivrer son mari et d’apprendre à entrer dans les livres simplement en les lisant. Parmi les intrigues secondaires : une migration de mammouths, un énième Cardenio de Shakespeare qui réapparaît, une excursion dans Le Corbeau de Poe, etc. Beaucoup d’humour, de références littéraires et de délire. On ne regarde plus ses romans avec le même œil ni les personnages de mots avec la même confiance.
J’ai eu plaisir à retrouver un monde découvert avec joie il y a un an. J’ai été un peu noyée sous la profusion du texte tout en étant émerveillée par ce jaillissement. J’aime bien cette série car elle donne une prime aux gros lecteurs : plus on connaît la littérature, plus on s’éclate. À relire dans 20 ans !

-       Mais c’est ridicule ! cria Hopkins alors même qu’on le traînait hors de la salle.
-       Non, répondit le Magistrat, c’est Kafka.


Je suppose, Lucy Snowe, que l’orbe de votre vie ne sera jamais complet… que vous devrez toujours vous en tenir à un croissant. Tant pis !


Charlotte Brontë, Villette, paru en 1853, traduit de l’anglais par Gaston Baccara.

Il ne s’agit pas, loin de là, du roman le plus connu de Charlotte Brontë, mais j’ai pris grand plaisir à cette lecture.
La narratrice, Lucy Snowe, est orpheline, partie à la recherche de sa vie. Elle parvient dans un territoire que l’on peut identifier à la Belgique et devient institutrice dans un pensionnat de jeunes filles.

Le livre est d’un rythme lent et certains ont pu s’y ennuyer. Pour ma part, ayant fait le trop-plein de soucis en ce moment, j’ai apprécié l’atmosphère du livre. L’héroïne est à la fois courageuse face à l’adversité, capable de calme endurance, mais pleine de passions et de détresse face à sa solitude, dont elle décrit très bien les affres. D’autres traits de son caractère m’ont plus agacée mais je me suis sentie plutôt très proche d’elle. Ce très beau portrait d’une jeune femme coupée de tout, sans lien, sans amis, dans un monde où rien n’est pour les femmes, constitue le cœur du roman. Sa détresse est très puissamment exprimée.

Vous étiez habituée à passer dans la vie comme une ombre sans aucun éclat, aussi qu’elle sensation étrange que de voir soudain quelqu’un se cacher les yeux de la main et, maussade, s’en faire un écran contre le rayon taquin que vous lui lancez et qui l’importune.

1e page de la 1e édition
De façon générale, les portraits de personnage sont très réussis, ainsi que leurs interactions. Ils ont des caractères mêlés, impossible de se faire une idée trop simple d’eux. La directrice de l’école est tantôt une femme remarquable, tantôt un tyran. Telle jeune fille frivole reste sympathique, grâce à sa force de vie. Une autre jeune fille tout à fait agréable peut taper sur les nerfs. Le lecteur se fait une certaine idée du médecin ou du professeur et puis finalement change d’avis. Il y a là une grande finesse psychologique.

La désillusion, cette horrible mégère, la saluait d’un hideux « Me voici ! » ; et son âme se révoltait à tant d’intimité.


Je suis plus critique sur la structure du texte, notamment en ce qui concerne l’articulation entre les chapitres sur l’enfance de l’héroïne et la suite, qui ne me semble pas très heureuse. De même, l’échappée londonienne est étrange, comme si toutes ces pérégrinations n’avaient pour but que d’enfermer Lucy Snowe dans un pensionnat. Brontë voulait absolument la présenter dans une grande solitude, sans famille, sans patrie, entre de hauts murs mais cela donne un rythme un peu étrange.
Mon bémol le plus fort concerne l’évocation de Villette. C’est un territoire qui est inspiré de la Belgique. Cette petite royauté a pour nom Labassecour. Choisir un lieu fictionnel, imprégné de culture française et catholique, est un choix que je comprends. Mais je ne vois pas l’intérêt de traiter avec tant de mépris ce qui est montré comme un royaume d’opérette. Et malheureusement, un des ressorts de l’intrigue, l’opposition entre protestants et catholiques, a beaucoup vieilli. Je sais que Brontë a mis beaucoup de son expérience personnelle, puisqu’elle a effectivement donné des cours dans un pensionnat de jeunes filles à Bruxelles, mais cela me semble moins réussi.
En ce qui concerne la religiosité, elle est nettement moins présente que chez Ann Brontë, même si la fin du texte lui laisse, à mon sens, trop de place. Ce ne sont vraiment pas les passages les plus réussis.

À plusieurs reprises, un climat de rêve hante le livre, et c’est sans doute lié à la présence d’un décor de carton pâte. Les nuits de pluie, l’évocation de la ville la nuit, l’apparition d’un spectre, le jardin de l’école, les fêtes de la petite monarchie, un climat très romantique baigne le livre. Le mystère entoure doucement plusieurs des personnages et leurs actes ce qui contribue à rendre la lecture très agréable.


Pour situer ce roman et son auteur dans la Brontë family : évidemment on ne trouve pas ici l’amour des landes et la passion dévorante des Hauts de Hurle-vent d’Emily, même s’il y a une grande attention aux paysages et aux climats et si Lucy est loin d’être de glace, elle connaît de grandes amplitudes sentimentales. Elle n’est pas si proche d’Agnès Grey d’Ann, moins résignée, moins solitaire et dotée d’une meilleure connaissance du monde.

J’éprouvais trop de plaisir à demeurer au milieu de cette nature déchaînée, dans cette nuit noire que le roulement du tonnerre emplissait de rumeurs – il chantait une ode assourdissante telle qu’aucun langage humain n’en exprima jamais ; le spectacle de ces nuages que sillonnaient et illuminaient des éclairs aveuglants de blancheur était trop magnifique.

L'avis du Chat du Cheshire. Participation au challenge victorien et au challenge des soeurs Brontë que je continue vaillamment. Des femmes écrivains.



Je suis de la vaisselle cassée ; je suis un tambour crevé ; ma vie entière est à l’eau.


Robert Louis Stevenson, Le Creux de la vague, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Naugrette, paru en 1894, écrit en collaboration avec Lloyd Osbourne.

Un très bon roman de Stevenson, sans doute un des meilleurs.

Au début de l’histoire, nous sommes à Papeete, dans un territoire de rêve, mais en compagnie de trois hommes réduits à la misère : Huish un homme un peu frustre et sans scrupule, Davis un ancien capitaine oscillant entre brave homme et gredin et Herrick, ancien étudiant déchu, à qui sa situation fait horreur. La situation n’est pas très brillante, mais bientôt s’offre une opportunité : un bateau à conduire à Sydney, une nouvelle traversée, un lagon inconnu et paradisiaque et un homme étrange et fascinant.

Il avait épousé le creux de la vague dans les affaires des hommes, et la vague l’avait emporté au loin ; il entendait déjà mugir le maelström qui devait l’envoyer par le fond. Et dans son âme harcelée et déshonorée il n’y avait aucune place pour lui-même.

C’est à la fois un roman d’aventures sous les tropiques particulièrement réussi et un roman d’introspection très fin. Pas de temps mort, les rapports de force entre personnages sont très vivants, des passions fortes sont mises en scène. Il y a la magie des perles rares et le sentiment d’être perdu au bout du monde, dans un monde sans foi ni loi. Herrick est le représentant de l’auteur dans ses angoisses et sa sensibilité, dépassé par la situation mais s’efforçant d’y faire face. Mais c’est surtout le décor qui fait la force du livre : Papeete en proie à la maladie et à la déliquescence, le lagon à la nature mystérieuse et inconnue, d’une beauté surréelle.


L’île tremblait devant eux comme un lieu incandescent ; à la surface du lagon des soleils de cuivre aveuglants, pas plus gros que des pièces de dix sous, dansaient en leur transperçant les prunelles ; il montait du sable et de la mer, et même du canot, une lumière d’une clarté cinglante ; et comme ils ne pouvaient scruter le lointain qu’en joignant les cils, l’excès de luminosité parut se muer en noirceur sinistre, comparable à celle d’un nuage avant l’orage.

La description de l’île est impressionnante, c’est un lieu de beauté absolue, de paix, d’harmonie céleste et l’enfer des hommes blancs. La brutalité de la beauté.



Faux pas de Maria Adolfsson (Doggerland 1)

Quatri�me de couverture C�est le lendemain de la grande f�te de l�hu�tre � Heim?, l��le principale du Doggerland. L�inspectrice Karen Eiken...