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1984

Roman adultes
1984

George Orwell
Gallimard (Folio), 2002 - 438 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. Big Brother vous regarde, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston… Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas d’importance. Seule comptait la Police de la Pensée.

J’ai mis longtemps avant d’arriver à lire 1984, mais je dois reconnaître que ça valait le coup. Ce livre est évidemment un chef-d’œuvre… un chef-d’œuvre de part son aspect visionnaire, mais aussi de par l’écriture, de par la narration, de par la fascination qu’il suscite. Une fois entré dans le bouquin, on reste scotché. On est révolté par ce qu’on lit, mais on ne peut en détacher les yeux. Ce qui est effrayant, c’est qu’au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture, on accepte l’idée que toute révolution est impossible. Il n’y a aucune possibilité de rébellion ; il n’y a aucune issue.

Ce bouquin fait froid dans le dos. Il glace le sang, et ce n’est pas simplement dû à l’histoire en elle-même, c’est aussi et surtout dû à ce qu’il nous renvoie du monde dans lequel nous vivons. Alors évidemment, il parait improbable qu’un tel gouvernement, un jour, se mette en place. Mais qui sait…

Terrifiant. C’est réellement le mot qui reste après cette lecture.

→ Article complet sur Le Chemin des aiguilles.

Fantasia chez les ploucs

Roman adultes - Roman noir
Fantasia chez les ploucs

Charles Williams
Gallimard (Folio policer), 2008 - 293 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : La plus fantastique chasse à l'homme du siècle... confusion indescriptible... véritable ruée de volontaires... une prime de 500 dollars... recherchée par le FBI, la police de 23 États et autant de gangsters notoires, la ravissante et déjà célèbre Caroline TchouTchou se serait enfuie presque nue dans les marais... toute la région participe aux recherches...
Décidément, on ne s'ennuie pas à la campagne et, s'il y a des ploucs, ils gagnent à être connus... Finley le prédicateur azimuté... Gimerson qui pleure ses cochons... Le shérif qui devient fou... Et l'oncle Sagamore ! Celui-là, dans son genre, il confine au génie... Ce n'est peut-être pas pour rien si tout se trame sur ses terres... De quoi faire pleurer les z'honnêtes gens... Mais allez prouver quoi que ce soit...


Tout le charme du bouquin vient du fait qu'il est narré par Billy, un petit garçon de 7 ans. Il parle donc avec ses propres mots et sa vision des choses : naïve mais extrêmement attachante.

Sam Noonan (le papa de Billy), un bookmaker véreux, part se mettre au vert dans la ferme très reculée de son frère Sagamore. On est alors en pleine Prohibition, et il s'avère que l'oncle Sagamore, un fainéant à la répartie jubilatoire, fabrique de l'alcool de contrebande. Le shérif et ses adjoints ont un seul objectif : le coincer et le mettre enfin sous les verrous.
Mais voilà que débarque le docteur Severance accompagné de sa "nièce", Miss Harrington, jeune femme au corps splendide qui passe son temps en bikini tout riquiqui... Les "chasseurs de lapins" en smoking et armés de mitraillettes ne tardent pas à montrer le bout de leur nez...

C'est un roman vraiment jubilatoire qui tient évidemment à la ruse et aux combines de ses deux frères mais aussi et surtout à la narration. Le petit Billy ne fait que répéter naïvement ce qu'il voit et entend sans ne jamais rien comprendre à ce que bricolent réellement son père et son oncle. La lecture se fait donc en simultané aux premier et second degrés. C'est hilarant...

Un peu dans le même style, vous pouvez vous lancer dans 1275 âmes de Jim Thompson.

→ À lire d'urgence !

La mort du roi Tsongor

Roman adultes
La mort du roi Tsongor

Laurent Gaudé
Actes sud (Babel), 2005 - 204 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d’un empire immense, s’apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate : c’est Troie assiégée, c’est Thèbes livrée à la haine. Le monarque s’éteint ; son plus jeune fils s’en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l’image de ce que fut le vénéré — et aussi le haïssable — roi Tsongor.
Roman des origines, récit épique et initiatique, le livre de Laurent Gaudé déploie dans une langue enivrante les étendards de la bravoure, la flamboyante beauté des héros, mais aussi l’insidieuse révélation, en eux, de la défaite. Car en chacun doit s’accomplir, de quelque manière, l’apprentissage de la honte.


Mélange de roman initiatique, de roman de guerre, de roman d'amour, de conte... conte merveilleux et cruel. Tout comme les Scorta, les Tsongor trainent une malédiction. Et elle s'abat dès que le vieux roi choisit de se donner la mort.

L'écriture est fluide, juste, musicale. Elle parait aller de soi. Laurent Gaudé nous fait pénétrer dans une antiquité imaginaire et on le suit les yeux fermés. Il nous conte une histoire tragique et tous les personnages prennent soudainement vie : on les voit, on les entend, on les sent.

La mort du roi Tsongor, tout comme Le soleil des Scorta, est un pur chef-d'œuvre, un bijou de littérature. Et Laurent Gaudé est en passe de devenir un de mes auteurs fétiches...

→ Il vient d'accéder au rang d'Incontournable dans ma bibliothèque.

Wilt 1

Roman adultes
Wilt 1 ou Comment se sortir d'une poupée gonflable et de beaucoup d'autres ennuis encore

Tom Sharpe
10/18, 2002 - 288 p.

Note : 5/5

Présentation de l'éditeur : Professeur de culture générale d'un lycée technique à Londres, Henry Wilt aborde la quarantaine dans un état critique. Alors qu'il tente à longueur de journée d'instruire une bande d'adolescents qui se soucient du sonnet shakespearien comme de leur premier porridge, sa femme Eva saisit la moindre occasion pour le harceler. Et tout y passe: son manque d'ambition, sa virilité de mollusque, son goût immodéré pour la bière. Wilt ne peut que grommeler en subissant ces réprimandes. Jusqu'à cette fameuse soirée, où ridiculisé une fois de trop, il décide de supprimer celle qui a fait de sa vie un enfer.

Voici un livre très difficile à résumer tellement ça part dans tous les sens et tellement c'est absurde. Disons que Wilt, professeur de culture générale pour apprentis dégénérés (viande 1, plâtre 3...), est au bout du rouleau : son boulot est sordide, sa femme est stupide, grosse et castratrice... il n'est ni courageux, ni téméraire... et le soir, alors que sa femme le met dehors afin de pouvoir méditer tranquillement en position du lotus, il promène son chien en caressant des idées de meurtre...

Un jour, il décide de passer à l'acte. Mais il est tellement peu sûr de lui,qu'il décide d'abord de s'entrainer... sur une poupée gonflable. Et tout s'enchaîne : sa femme disparait pour de bon avec un couple de (faux) riches voisins, la poupée est coincée sous des tonnes de béton, Wilt est accusé du meurtre de sa femme et de ses voisins... Et on va alors de situations rocambolesques en situations abracadabrantesques, on rit à gorge déployée... et on regrette amèrement de ne pas avoir le tome 2 sous la main pour pouvoir rester encore un moment en compagnie d'Henry Wilt...

→ C'est un excellent remède comme la morosité !

Shutter Island

Roman adultes - Thriller
Shutter Island

Dennis Lehane
Rivages (Rivages Noir), 2009 - 392 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Nous sommes dans les années cinquante. Au large de Boston, sur un îlot nommé Shutter Island, se dresse un groupe de bâtiments à l'allure sinistre. C'est un hôpital psychiatrique pour assassins. Le Marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule ont été appelés par les autorités de cette prison-hôpital car l'une des patientes, Rachel Solando, manque à l'appel. Comment a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée à clé de l'extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Œuvre incohérente d'une malade ou cryptogramme ? Progressivement, les deux policiers s'enfoncent dans un monde de plus en plus opaque et angoissant, jusqu'au choc final de la vérité.
Shutter Island a été récompensé par le Grand Prix des lectrices de Elle en 2004.

Tout ça commence à me rendre drôlement nerveux, Teddy.
Un hôpital psychiatrique pour dangereux criminels sur une île perdue à la végétation hostile, une violente tempête qui empêche toute communication avec le reste du monde, des infirmiers et médecins plus flippants encore que les patients eux-mêmes : nous voilà plongés dans un univers glauque suscitant quelques hérissements de poils, un monde exclusif de schizophrénie et de paranoïa. L'ambiance y est oppressante, la sensation de conspiration et de manipulation y est omniprésente.

Nous débarquons sur l'île en même temps que les deux marshals, nous la découvrons avec eux... Qu'est vraiment cette île ? À quoi sert-elle vraiment ? Les malades sont-ils réellement fous ou les a-t-on "aidé" à le devenir ? Et que font des gardes armés devant un hôpital ? Comment sont réellement soignés ces malades ? Y a-t-il des expériences illégales sur l'île ? Pourquoi tout le monde semble si hostile à la présence des deux marshals ? Que cherchent-ils à cacher ?! Autant de questions sans réponses... jusqu'au choc final.

Il est très difficile de parler de Shutter Island sans en dévoiler l'énigme. Dennis Lehane est un maître pour ce qui est d'embobiner le lecteur, de le tenir en haleine, de provoquer des rebondissements et des dénouements aussi inattendus qu'époustouflants. Shutter Island est un roman noir, très noir, un thriller psychologique majestueux. C'est tout simplement un chef d'œuvre.

→ Il vient d'accéder au rang d'Incontournable dans ma bibliothèque.

La délicatesse

Roman adultes
La délicatesse

David Foenkinos
Gallimard, 209 - 200 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Il passait par là, elle l'avait embrassé sans réfléchir. Maintenant, elle se demande si elle a bien fait. C'est l'histoire d'une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise.

Voici un roman délicieux et plein d'humour tout doux que j'ai dévoré... avec délicatesse !

Nathalie, douce et jolie jeune femme, est étudiante en économie. Elle aime lire et rire. Elle est abordée dans la rue par François, un homme pudique, discret, grand amateur de littérature et de puzzles. Tout se passe pour le mieux : un mariage heureux, une entrée dans le monde du travail réussie, des années de pur bonheur. Et puis le drame : François, lors d'un banal footing, se fait renverser par une voiture et meurt. Reste sur la table basse le livre que Nathalie était en train de lire, "coupé en deux ; la première partie avait été lue du vivant de François. Et à la page 321, il était mort. Que fallait-il faire ? Peut-on poursuivre la lecture d’un livre interrompu par la mort de son mari ?"
Mais Nathalie est une très jolie femme, et bien qu'elle ne s'en rende pas compte, elle plait beaucoup aux hommes, à son patron, à ses collègues. Et l'amour vient parfois de là où ne s'y attend pas...

C'est un livre tout doux, tout mignon, qui aborde les thèmes de l'amour et de la perte sans tomber dans la mièvrerie ; on y trouve aussi les rouages du monde de l'entreprise, avec ses codes et ses rumeurs. L'auteur glisse un peu d'humour, toujours léger, mais toujours bien placé. Tout reste toujours délicat : les personnages, les situations, l'écriture... Et puis l'auteur, facétieux, insère entre chaque chapitres des définitions du dictionnaire, des recettes de cuisine, des articles de journaux, des paroles de chansons, ou des commentaires plus divertissants les uns que les autres.

→ Une douceur dans un monde de brutes.

Le mangeur de mots

Album jeunesse
Le mangeur de mots

Thierry Dedieu
Seuil jeunesse, 1996 - 37 p.

Note : 5/5

Le mangeur de mots, c'est l'histoire de « Le Bougni Antoine, ou Le Bougni tout court, c'est comme on veut. Le Bougni, au début, était un enfant comme un autre ». Il était curieux de tout, il posait des tas de questions, tout le temps, tout le temps, tout le temps. Et puis il a appris à lire les mots. Et il lisait tout le temps, tous les mots, tout le temps. Il est devenu un "mangeur de mots". Mais il jour, il a fait une indigestion... et il dû faire très attention à ce qu'il mangeait... alors il s'est tu. Il a décidé de ne plus parler. Il a alors appris à communiquer autrement qu'avec des mots "humains"...

C'est surtout l'histoire d'un petit garçon qui est un peu différent des autres. Mais où est la vérité vraie ? Et pourquoi le comportement de ce petit garçon ne serait pas la norme ? Et d'ailleurs, lui qui pensait qu'il devrait se remettre à parler "l'humain" pour communiquer avec Lola se rend compte que Lola "parle Le Bougni"... Alors ?!

→ Un livre pour parler de différence, de toutes les différences et pas seulement de l'autisme... Un livre drôle et super bien écrit.


L'ogre

Album jeunesse
L'Ogre - Thierry DedieuL'ogre

Texte de Karim Ressouni-Demigneux, Images de Thierry Dedieu
Rue du monde, 2007 - 33 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Dans la cité, on ne parle que de lui. Une silhouette si grosse, ce n'est pas humain ! Et sortir la nuit, c'eest bizarre...
Mais qui est vraiment cet étrange voisin du rez-de-chaussée, qui fait si peur aux enfants ?
L'Ogre - Thierry Dedieu
L'histoire :
Les enfants de la cité ont une peur bleue de l'ogre du rez-de-chaussée, un être gigantesque qui ne sort de chez lui que la nuit. Un jour, les pompiers l'emmènent, paralysé par quelque maladie dévastatrice. Dans son antre vide, les enfants découvrent le repaire d'un artiste photographe internationalement connu. - Plusieurs niveaux de lecture pour ce conte moderne.

Les illustrations : Mélange de dessins, de collages-découpages, de photos. Le tout sur une palette de couleurs plutôt sombres. C'est original, spécial, ça fout un peu les miquettes... d'autant que le texte met un peu les miquettes aussi... Donc, c'est réussi !

→ C'est réellement une bonne histoire. A lire et à faire lire.


Doppler

Roman adultes
Doppler

Erlend Loe
Gaïa (Taille unique), 2006 - 202 p.

Note : 5/5

Quatrième de couverture : Andreas Doppler fait une chute de vélo dans la forêt. Il tombe et tout lui tombe dessus : sa vie jalonnée par la docilité, son père décédé qu'il a à peine connu, sa fille qui le taxe de cynisme, son fils gavé de culture enfantine débilitante, son pays si insupportablement sympathique. Il faut changer. Ni une ni deux, il rompt avec la civilisation et plante sa tente dans la forêt. Devenu chasseur-cueilleur, il tue pour survivre un élan femelle dont le petit ne le quitte plus d'une semelle. Qu'à cela ne tienne, mieux vaut un ruminant muet que des êtres humains assommants. Et Doppler de ressasser son couplet préféré : "Je n'aime pas les gens. Je n'aime pas ce qu'ils font. Je n'aime pas ce qu'ils sont. Je n'aime pas ce qu'ils disent." Mais peut-on vraiment vivre seul ? Et comment ? Un beau jour, sa femme déboule pour lui annoncer sa nouvelle grossesse, précisant que s'il n'est pas rentré au bercail d'ici à l'accouchement, elle le plaque — quelle tuile. Doppler est dans de beaux draps.
Situations cocasses, humour grinçant, Doppler est un bouquin savoureux... et allègrement décalé.

Bouquin dégoté par un total hasard sur les rayonnages de la bibliothèque. Je suis entrée dans le monde loufoque et déjanté de Erlend Loe.
Doppler, cadre moyen, fait une chute à vélo. Il a alors la révélation de ce qu'est réellement sa vie : une vie trop "appliquée". Déjà tout gosse, il était "appliqué", il a maintenant un boulot "appliqué", une vie de couple "appliquée", il élève ses gosses de façon "appliquée", il a une vie sociale "appliquée"... Bref, il est trop appliqué. Et puis il n'aime pas les gens. Il prend donc la décision ferme et sans appel de tout plaquer de cette vie qui ne lui correspond plus et d'aller planter sa tente en pleine forêt et de vivre en ermite. Il a, pour seule compagnie, un jeune élan dont il tué la mère. S'en suivent quelques rencontres cocasses avec différents personnages, tous plus loufoques les uns que les autres. Mais qu'il le veuille ou non, il ne peut pas échapper aussi facilement à sa vie de famille...

Un bouquin vraiment excellent, frais et décalé. On retrouve, là encore, une histoire "d'amitié" entre un homme et un animal, exactement comme dans Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen. Preuve, là encore, que la culture nordique est largement différente de la notre dès qu'il s'agit de nature...

Il me faut cependant apporter un gros bémol à mon enthousiasme pour ce livre : cette édition (chez Gaïa, donc) est pourrie à souhait. Le texte est bourré de coquilles (je préfère penser qu'il s'agit de coquilles et non de réelles fautes d'accord...). Il m'est arrivé d'en repérer quatre ou cinq par page. J'espère que l'édition de 10/18 a corrigé tout ça.
Tant qu'on est à évoquer les petits défauts de Doppler, je dirais que la fin est un peu étrange. L'histoire part carrément en vrille, Doppler décide d'impliquer dans son aventure son jeune fils, tout en délaissant sa femme, sa fille aînée ainsi que le bébé qui vient de naître... d'où un petit sentiment de malaise... Mais rien de bien violent.

L'incipit :
Mon père est mort.
Et hier j'ai mis fin aux jours d'un élan.
Que dire...
C'était lui ou moi. J'étais affamé. Je commence franchement à être maigre. La nuit dernière, je suis descendu à une des fermes de Maridalen où j'ai piqué du foin. J'ai découpé une botte avec mon couteau et j'ai rempli mon sac à dos de foin. Après quoi je me suis accordé un petit roupillon, puis, au point du jour, j'ai gagné le fond du ravin, à l'est de mon campement, et j'ai dispersé en guise d'appât le foin en question à un endroit dont je m'étais longuement dit qu'il serait épatant pour tendre une embuscade. Je me suis ensuite allongé au bord du ravin où j'ai patienté de nombreuses heures. Je sais que des élans musardent dans les parages. Je les ai vus. Ils se sont même aventurés aux abords de ma tente. Ils sont là, à évoluer dans la vallée, à trottiner, à suivre leurs intuitions plus ou moins rationnelles. Toujours par monts et par vaux, les élans. Ils semblent croire qu'ailleurs l'herbe est plus verte. Et peut-être ont-ils raison. Quoi qu'il en soit, il y en a toujours un pour se radiner. Une pour être exact puisqu'il s'agissait d'une femme. Avec son petit qui traînassait derrière elle. Ça m'a déstabilisé un chouia, je dois dire, que le petit soit de la partie. J'aurais préféré qu'il ne le fût pas. Toujours est-il qu'il l'était. Par chance, le sens du vent était au poil. Le couteau dans la bouche, et pas le petit, hein, mais le grand, le grand couteau dans la bouche, donc, j'ai patienté. Les élans baguenaudaient dans ma direction. Broutant ici quelque bruyère, là diverses pousses de bouleau qui prospèrent au fond du ravin. Etpuis l'animal a fini par se poster à l'endroit voulu. Pile en-dessous. Maousse, la bestiole. Les élans sont grands. On l'oublie facilement, combien ils sont grands. Ni une ni deux, je lui ai sauté sur le dos. Il ne faudrait pas croire, mas j'avais bien évidemment répété le geste dans ma tête des douzaines et des douzaines de fois. J'avais prévu qu'il n'apprécierait pas outre mesure et qu'il prendrait ses jambes à son cou. Ce qui s'est d'ailleurs avéré. Or avant même qu'il n'ait pu partir au galop, je lui avais déjà planté mon couteau dans la tête. D'un coup d'un seul, prodigieux, le grand couteau avait traversé son crâne d'élan, transpercé son cerveau d'élan, ceignant sa tête d'élan tel un galurin excentrique et riquiqui. Après un bond agile pour me déloger de ma monture, je me suis hissé au sommet d'un rocher colossal cependant que l'élan voyait sa vie défiler sous ses yeux : tous ces jours heureux avec de la nourriture à satiété, les journées d'été à paresser sous le soleil éblouissant, la bluette avec le mâle une fois l'automne venu et la solitude qui s'était ensuivie ; la naissance et la joie de transmettre ses gènes, mais aussi ces abrutissants mois d'hiver au début de l'année, la fébrilité, cet élément tourmenté dont l'animal songeait probablement, autant que je sache du moins, qu'en être affranchi serait un soulagement. Tout cela, l'élan femelle l'a visionné en l'espace de quelques secondes, avant de s'effondrer.

→ Un bouquin plein d'humour, d'auto-dérision, d'ironie, de cynisme et de sarcasmes... Pile poil ce que j'aime au plus haut point !


Faux pas de Maria Adolfsson (Doggerland 1)

Quatri�me de couverture C�est le lendemain de la grande f�te de l�hu�tre � Heim?, l��le principale du Doggerland. L�inspectrice Karen Eiken...