L'histoire (quatrième de couverture)
Un jeune homme retrouve ses esprits au fond d’une cellule, en garde à vue. Que s’est-il passé ? Mireille, son grand amour, l’a quitté brusquement, il a beaucoup bu… Comment se rappeler ? Un policier le bouscule, l’interroge, mais les vraies questions viennent d’ailleurs : dans le brouillard de ses pensées, c’est la voix des ancêtres qui résonne soudain, comme un chant intérieur venu d’Afrique, invoquant les valeurs du partage, de l’honneur, de l’héritage et de l’espoir. Mais l’Afrique est loin pour le narrateur qui vit en région parisienne, dans le quartier métissé où, dès l’enfance, il a connu Mireille et les amis avec lesquels il a grandi, au milieu desquels il a changé.
Avec une implacable justesse de ton, d’une langue poétique, rythmée et sensuelle, Wilfried N’Sondé explore la douleur et l’amour, l’appartenance et la violence, le désir et l’effroi dans un premier roman aussi émouvant que percutant.
Avec une implacable justesse de ton, d’une langue poétique, rythmée et sensuelle, Wilfried N’Sondé explore la douleur et l’amour, l’appartenance et la violence, le désir et l’effroi dans un premier roman aussi émouvant que percutant.
Impressions de lecture :
Un petit roman très original, qu'on lit d'un trait.
Il faut pour cela se laisser porter par le rythme et l'écriture, qui varient selon les instants et les évènements rapportés : écriture sobre, phrases courtes, percutantes, dialogues intérieurs et/ou hallucinatoires qui mêlent douleur des coups et pensées personnelles quand le narrateur est ancré dans le présent de sa cellule.
[En cellule...]
Tu viens d’Afrique ? Tu as pensé à ton avenir ? Tu n’as plus aucune raison d’avoir peur, je suis maintenant menotté entre quatre uniformes, à me battre tout seul avec ma défonce, j’avance tel un zombie, rancard chez la charogne à toute heure du jour ou de la nuit. La police, pourquoi je te dérange autant que ça ?
Le style est plus narratif, avec des phrases d'une écriture chantante, à voix multiples pour les passages où le narrateur (qui est aussi le jeune homme) se remémore sa vie qui bascule, son enfance en banlieue pauvre de Paris avec Drissa, son pote de toujours, et Mireille son amour perdu. Et de ses ancêtres africains, son père d'abord mais aussi le « anc^tres léopards », présents avant eux en Afrique et qui firent des Kongos ce qu'ils sont...
[Son grand-père lui parle...]
« Sois frais, reste toujours alerte pour cette haute voltige qu'est la vie qui t'attend (...) Tu seras un funambule au-dessus des continents, des mondes et du temps. Regard droit, fier, souris et chéris la vie, c'est ton seul trésor.
Sois l'artisan de la mutation sans laquelle nous risquons de n'être plus rien demain, puisqu'il s'agit de devenir ce que nous fûmes. »
La construction est très originale : des voix multiples qui s'entremêlent, y compris celles des ancêtres et des « esprits » qui lui parlent, des va-et-vient narratifs entre passé et présent dans la cellule, des réflexions sur la difficulté d'être de deux cultures différentes, les valeurs léguées par les ancêtres comme l'espoir, la dignité, le courage, l'attachement aux esprits. Des monologues, des dialogues intérieurs avec les gens qui l'entourent ou comptent pour lui...
Et en filigranne, la question du « pourquoi est-il là ? » à laquelle tout le livre répond mais dont la réponse n'est révélée qu'à la fin.
[A Drissa qui sombre, se marginalise dès le collège]
Ecoute derrière les mots mon frère, il ne semble n’y avoir que des hommes, les autres sont de couleur. La normalité se pose, la minorité se débat dans des définitions basées sur sa différence. Cesse de tourner en rond, un satellite à bonne distance, parle beaucoup de toi, il faut que tu finisses par comprendre qu’il n’y a aucune couleur dans ce que tu fais. Mozart, composait-il de la musique blanche ? Tu t’acharnes à apprécier l’art nègre et la musique noire. Secoue vigoureusement ton cerveau, dépêche-toi, il est temps !
(spoiler)
On pourrait croire que c'est la violence des quartiers de sa banlieue qui l'a conduit en prison, accusé d'un meurtre, mais ce roman est aussiune histoire d'amour, avec Mireille, blanche et juive, grandie avec lui et qui ne supportant plus la violence aveugle et sans retour de leur banlieue, l'a quitté pour s'envoler vers d'autres lieux, d'autres ambitions. Ce jeune homme qui faisait des études, portait les espoirs de ses ancêtres, sombre alors...
(fin spoiler)
En bref, après avoir failli renoncer au bout de quelques pages, déboussolée par le style, la musicalité de l'écriture et des réflexions, le ton sincère de l'auteur m'ont totalement séduite et c'est d'un trait que j'ai lu ce petit bijou.
J'ai trouvé touchant, sincère, troublant, dérangeant ce roman et je vous le recommande.
Wilfried N"Sondé photo "deslivres.com" |
L'auteur, Wilfried N'Sondé, musicien et chanteur né en 1968 (quelle belle année ! ;-) ) vit à Berlin depuis une dizaine d'années où il est éducateur de jeunes en difficultés.
Après Le coeur des enfants léopards (2007) qui a reçu le prix des cinq continents de la francophonie et le prix Senghor de la création litéraire, il a publié le silence des esprits (2010) et fleur de béton (2012).
chez Calypso session 10 : le mot "enfant" |