Une métamorphose iranienne (M.Neyestani)

Editions ça et là et Arte
Dessin de couverture par l'auteur
Quatrième de couverture (abrégée...) :
Autobiographie graphique 
Le cauchemar de Mana Neyestani commence en 2006, le jour où il dessine une conversation entre un enfant et un cafard dans le supplément pour enfants d’un hebdomadaire iranien. Le problème est que le cafard dessiné par Mana utilise un mot azéri. Les azéris, un peuple d’origine turc vivant au nord de l’Iran, sont depuis longtemps opprimés par le régime central. Pour certains, le dessin de Mana est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et un excellent prétexte pour déclencher une émeute. Le régime de Téhéran a besoin d’un bouc émissaire, ce sera Mana. 
Et tandis que Mana Neyestani et son éditeur sont arrêtés, les Turcs descendent dans la rue pour manifester...


Împressions de lecture :
Il s'agit d'une autobiographie sous forme de BD (livre graphique), en noir et blanc, écrit et dessiné par l'auteur, Mana Neyestani. Ce livre raconte son histoire. 
Au moment des faits, en 2006, l'auteur est illustrateur/auteur et tient une rubrique pour enfants dans un journal iranien. Rien de bien dangeureux politiquement a priori.(il est catalogué "illustrateur politique")
C'est sans compter sur le régime iranien totalitaire en place, qui cherche toujours un bouc émissaire pour gérer le peuple et les débordements, et les susceptibilités des minorités (ici les Turcs du nord du pays) du fait de leur opression par ce même état.

C'est un livre sombre dans son trait : pas de décor superflu, des hachures croisées. Un petit mot sur cette technique des hachures croisées, qu'utilisaient déjà par exemple Dürer ou Vinci, et qui permet de nuancer le noir et blanc, de souligner ombre ,et lumière.
Ce trait sert l'histoire, opressante et effrayante, surtout pour les occidentaux que nous sommes. Une descente en enfer aberrante, "kafkaienne" comme la définit l'auteur lui-même par son titre, qui reprend intelligemment la cause de tout cela : ce petit cafard qui dit juste un mot en azeri (en réalité très utilisé dans le langage courant partout en Iran). Il n'en faut pas plus pour que les Turcs-azeri se sentent visés, critiqués, moqués, assimilés à un cafard. Le pire est que l'état semble bénéficier de cet incident qui lui permet de maitriser une fois de plus une minorité, par le biais d'un bouc émissaire vite trouvé: Neyestani.
On suit l'auteur de la réalisation de ce dessin "coupable"  à son arrestation, de sa vie en prison à son arrivée en Malaisie, libre mais interdit d'Iran désormais...(épilogue).
Il y a tant d'humanité dans ce récit, aussi bien en prison quand l'auteur rencontre des prisonniers azeri, quand il partage le quotidien d'hommes qui comme lui ne comprennent pas exactement ce qu'on leur reproche...Il y a aussi la solidarité entre immigrés de force soumis au même passeur...

Malgré le sujet, difficile, l'humour est présent, de manière subtile, à commencer par le cafard qui apparait partout, écrasé mais non tué, et par l'enfant qui se manifeste "virtuellement" dans les moments de doute de l'auteur. 

En bref...
J'ai été très touchée par ce livre, malgré le dessin un peu noir, qui ne fait ni dans le pathos ni dans la violence superflue. Les personnages sont humains, ont peur, ne comprennent pas, sont alternativement désespérés puis confiants, nous ressemblent. Mais ce qui leur arrive est incroyable et n'est pas acceptable et ce livre permet à Neyestani de paler de tous ces hommes et femmes emprisonnés, voire tués, parce-qu'ils se sont juste exprimés. La page qui montre les différences de traitement des différnets prisonniers selon leur provenance et leur origine (le sort des Afghans fait notamment froid dans le dos) est poignante.

L'auteur par l'éditeur :

Né à Téhéran en 1973, Mana Neyestani a une formation d’architecte, mais il a commencé sa carrière en 1990 en tant que dessinateur et illustrateur pour de nombreux magazines culturels, littéraires, économiques et politiques. Il devient illustrateur de presse à la faveur de la montée en puissance des journaux réformateurs iraniens en 1999.

Catalogué comme dessinateur politique, Neyestani est ensuite contraint de faire des illustrations pour enfants. Celui qu’il a fait en 2006 a conduit à son emprisonnement et à sa fuite du pays. Entre 2007 et 2010, il vit en exil en Malaisie, en faisant des illustrations pour des sites dissidents iraniens dans le monde entier.
Dans la foulée de l’élection frauduleuse de 2009, son travail est devenu une icône de la défiance du peuple iranien.
Neyestani a remporté de nombreux prix iraniens et internationaux, plus récemment, le Prix du Courage 2010 du CRNI (Cartoonists Rights Network International ).
Il vit actuellement à Paris, invité en résidence à la Cité Internationale des arts dans le cadre du programme international ICORN de soutien à la liberté d’expression.
Un livre pour le challenge ABC chez XL - lettre N

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